Six témoins de la mission

La mission est diverse, aussi variée que notre monde. Ces six témoignages de femmes et d'hommes de tous les continents montrent cette diversité. Ces témoins ont un but commun: ouvrir des espaces pour la foi, par la réflexion et par l'action. A la question "quelle est votre mission et quelle est notre mission?", leurs réponses sont aussi diverses que l'Eglise universelle.


Un peu de Ciel dans notre vie quotidienne

Soeur Lorena Jenal - Papouasie-Nouvelle-Guinée

Sœur Lorena fait partie des Sœurs de Baldegg, une congrégation féminine de la grande famille franciscaine. Née à Samnaun (GR) et âgée aujourd’hui de septante ans, elle travaille depuis 1979 dans les Southern Highlands de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Depuis quelques années, les chasses aux sorcières sont devenues l’un des plus gros problèmes auxquels la région est confrontée. Sur proposition de Missio à Aix-la-Chapelle, Sr Lorena a reçu en 2018 le Prix des droits de l’homme de la ville allemande de Weimar pour son soutien aux victimes de ces persécutions. Pour sa campagne du Mois de la mission universelle de 2007, Missio Suisse avait rendu visite à Sr Lorena et à ses consœurs sur place en automne 2006.

Un peu de Ciel dans notre vie quotidienne


Lorsque je suis arrivée pour la première fois en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en 1979, une seule chose était claire : en tant que missionnaire, j’avais un message à annoncer, un message de joie de vivre et de vie en abondance.

J’y ai découvert des hommes, des femmes et des enfants qui vivaient encore à l’âge de la pierre, au sens propre du terme… des personnes capables aussi d’établir des liens communautaires forts grâce aux rencontres, aux relations et aux contacts qu’elles entretenaient les unes avec les autres. Je me suis alors retrouvée confrontée à une multitude de choses inattendues, inhabituelles et déroutantes, avec les peurs qui en découlaient. La beauté paradisiaque de ce pays aux 820 langues n’était qu’un élément parmi d’autres de ma nouvelle vie. Si la Papouasie-Nouvelle-Guinée compte d’innombrables dialectes, elle est aussi très riche en matières premières : de l’or, du cuivre, du chrome, du pétrole, du gaz et de l’huile de palme. La pêche de subsistance, les plantations de café, les champs de thé, l’abondance de fruits et de légumes, tout comme les 45 sortes de patate douce qu’on y cultive, témoignent de la fertilité du pays. Ce dernier abrite les plus belles forêts pluviales du monde, et les oiseaux de paradis qui y vivent comptent parmi les plus somptueux de la planète !

Les Papous sont cordiaux et accueillants, ils aiment les fêtes et la danse. Ces personnes qui vivaient au Paradis, pour dire les choses ainsi, ont été arrachées brusquement à l’âge de la pierre pour être confrontées du jour au lendemain aux technologies les plus modernes. De nos jours, ce sont les réseaux numériques qui font souvent passer l’humain à l’arrière-plan.
L’évolution vers une modernité qui ne correspond ni à la culture ni à la tradition a amené de nombreux problèmes sociaux : alcool, drogue, prostitution, abus sexuels, sida et corruption. à tout cela s’ajoute, depuis août 2012, le problème de la chasse aux sorcières, qui nous concerne tous si nous voulons la vie en abondance, la justice et la paix, et que nous souhaitons aussi transmettre les valeurs et les droits issus du christianisme.

Baptisés et envoyés
En tant que baptisés, nous sommes tous des missionnaires. Même notre Église locale reste une partie de l’Église universelle tournée vers la mission. Partout dans le monde, nous avons une tâche commune : offrir la vie, l’amour et la lumière en abondance. Pour moi, être baptisée c’est être plongée dans le fleuve originel, dans la source de la vie. Cette source coule en permanence, elle vivifie, elle renouvelle, elle rafraîchit. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, où nous sommes confrontés à toutes sortes de peurs et de menaces, l’annonce de l’Évangile a quelque chose de vraiment libérateur : notre monde soumis à la violence et à la terreur a besoin d’un message joyeux et émancipateur, qui ne doit jamais devenir menaçant.
Dans ce contexte, je me souviens volontiers d’une préparation au baptême très spéciale que j’ai accompagnée au début de mon séjour. Sia était un ancien du village, une personne importante. Il s’est fait baptiser du nom d’Abraham. Pour moi, il est devenu un prophète : il a ouvert mes yeux à la grandeur et à la liberté, il m’a aidé à voir les cultures et les traditions dans la vision d’amour de Jésus Christ, qui est le chemin, la vérité et la vie.
Je n’oublierai jamais comment Sia est venu vers moi pour m’ordonner de le préparer au baptême. À l’époque, j’étais encore très peu sûre de moi : tout était tellement nouveau, différent et étrange ! Je lui ai répondu qu’il valait mieux qu’il prépare son baptême avec quelqu’un de plus expérimenté. Mais Sia a insisté en arguant qu’une jeune sœur se devait de lui obéir avec respect. C’est ainsi qu’a débuté un parcours de presque sept ans, qui pour moi symbolise encore le baptême par excellence. Sia a été baptisé dans le fleuve avec toute sa famille – ses femmes, ses enfants et ses petits-enfants. La fête a duré trois jours, au cours desquels la nouveauté s’est inculturée dans les traditions anciennes. Il était particulièrement frappant que Sia, le chef, ait choisi Abraham comme nom de baptême, le nom du père d’une grande tribu, du père de la foi.

Encourager et redonner espoir
Durant mon engagement pastoral de près de quarante ans, nous avons accordé beaucoup d’importance au renouvellement de la foi au sein des couples et des familles, dans les paroisses et les diocèses. Le partage de la Parole et du pain s’est ainsi fait eucharistie vécue. La paix et la justice occupent aussi une place centrale à mes yeux : accompagner, visiter, conseiller, soutenir, compatir… Je décris cette activité comme un « sacrement de la présence ». Je veux donner de l’espoir et du courage. Chercher des réponses à des situations concrètes, avec le cœur et en partant de l’Évangile, de manière à ce que toutes et tous puissent offrir et réaliser leur individualité et leur dignité. Nous mettons en évidence les interactions entre « donner » et « recevoir ». Hommes et femmes, jeunes et moins jeunes se complètent pour former un magnifique ensemble dans le Corps du Christ, en tant qu’Église vivante. Personne n’a tout, mais tout le monde a quelque chose.

En raison de ma formation pédagogique, je garde toujours à l’esprit dans mon travail pastoral les dimensions éducative, thérapeutique, créative et holistique : l’échange constitue pour moi un processus d’apprentissage vivant qui interroge et met au défi durant toute la vie. Là aussi, la dimension communautaire joue un rôle crucial : il s’agit de réunir les talents et les charismes de tous. Personne n’a tout, mais tout le monde a quelque chose. C’est pourquoi le travail d’équipe est déterminant dans le traitement des conflits, dans les processus de paix et dans le travail de conseil. Nous développons de la tolérance et du respect ensemble et les uns pour les autres. Nous protégeons et préservons les individualités. C’est ainsi que nous parvenons à la vérité émancipatrice. Quand je pense aux nombreuses victimes de la chasse aux sorcières, je comprends combien le droit – pour moi qui ai été baptisée et envoyée – est lié à la dignité et à la justice ! Transmettre la vie en abondance demeure le plus grand témoignage de la foi.

Lorsque je regarde l’Église universelle, c’est à nouveau l’Évangile qui occupe le premier plan : il est un message à la fois de libération, de paix, de justice et de vérité. L’Église se doit d’aborder avec conviction le problème de la violence et de la terreur, la question des réfugiés ou le scandale mondial des abus sexuels et des abus de pouvoir. En tant que franciscaine, j’aimerais m’exclamer avec François: « Mettons-nous au travail, frères et sœurs ! ». Jusqu’ici, nous avons à peine commencé à annoncer la Bonne Nouvelle. Nous ne prenons guère au sérieux le commandement nouveau qui nous enjoint à voir l’image de Dieu dans notre prochain.
Pour moi, le Ciel n’est pas un but éloigné, c’est une réalité qui peut devenir un peu plus vraie chaque jour !


La mission commence en nous!

Bruno Hübscher - Suisse

Âgé de 49 ans, Bruno Hübscher-Jucker a grandi à Wohlen (AG) et a travaillé plusieurs années dans une grande banque comme conseiller à la clientèle. De 1994 à 1996, il a vécu dans un Village de la paix en Israël, puis a travaillé à temps partiel comme chauffeur poids lourd. Il a ensuite suivi une formation catéchétique à Lucerne, avec des engagements paroissiaux à Kriens et Sempach (LU). Après une formation en théologie, il est parti aux Philippines pour un engagement pastoral. Il a ensuite travaillé comme diacre en paroisse à Grosswangen et Nottwil (LU). Depuis 2016, il est l’aumônier catholique pour les personnes handicapées du canton de Lucerne.

La mission commence en nous!

De 2005 à 2008, j’ai vécu aux Philippines avec ma famille dans le cadre d’un engagement pastoral pour la Mission Bethléem Immensee. Dans les montagnes du nord du pays, notre tâche consistait à soutenir le développement de communautés de base qui soient fonctionnelles. Le manque de prêtres se faisait cruellement sentir dans cette région. L’évêque de l’époque, Monseigneur Claver, souhaitait donc renforcer le travail des laïcs et favoriser l’inculturation indigène, la solidarité active, l’engagement en faveur des droits de la personne et la préservation de la Création. Nous avons pu nous impliquer de manière critique dans cette démarche, afin qu’un échange culturel soit possible avec les Philippins et que nous puissions apprendre les uns des autres.

Pour nous, cette période a été féconde à plus d’un titre (Philippe, notre troisième enfant, est né là-bas). Nous avons appris que les communautés qui fonctionnent bien sont à même de combattre la corruption et que la vie ecclésiale est vécue plus intensément lorsque les gens peuvent amener leurs questionnements quotidiens et leurs propres idées pour les célébrations. De nombreuses communautés de base parviennent aussi à soutenir les plus faibles et les nécessiteux.

De retour en Suisse, j’ai essayé de rendre quelque chose de cette vie communautaire dans les diverses paroisses où m’ont amené mes activités. Cela n’a pas été facile, car nous sommes habitués, ici, à ce que des prêtres, des théologiennes ou des théologiens dirigent et organisent les messes et la vie paroissiale. Les fidèles se voient plus comme des consommateurs que comme des acteurs. Il faudra beaucoup de temps pour que les mentalités évoluent. Mais je reste optimiste et je poursuis mes efforts! Je considère que ma « mission » personnelle consiste à m’impliquer dans les tâches diaconales. Je me suis porté volontaire pour aider les réfugiés à s’intégrer dans notre village et je m’engage dans le groupe d’accompagnement des personnes en fin de vie de notre région. En tant qu’aumônier des personnes handicapées du canton de Lucerne, j’apporte mon aide lors des célébrations dans les écoles et les institutions spécialisées.

Il me semble important que nous nous racontions des histoires de la Bible, que nous en fassions des scènes de théâtre, que nous les mettions en relation avec notre vie. J’ai constaté que ce type d’échange est plus passionnant que n’importe quelle homélie, qu’il implique les personnes et les met en mouvement. Cela nous fait du bien, à moi comme à eux, de parler de nous-mêmes, de notre foi, de l’action de Dieu dans notre vie – et de nous donner du courage les uns aux autres. J’ai l’espoir que des réformes menées à l’échelle de l’Église universelle soutiendront et renforceront ces approches fondées sur la vie quotidienne des gens. Pour cela, il n’est pas vraiment indispensable d’avoir des aumôniers consacrés: c’est de l’enthousiasme des gens dont nous avons besoin.


Prendre soin des plus petits et des plus pauvres

Frère Joseph Madanu - Suisse

Frère Joseph Madanu, 34 ans, est Capucin. Il est originaire de Téléangana, au sud de l’Inde et habite en Suisse depuis neuf ans. Pendant sa formation en Inde, il a été appelé par ses supérieurs à aller en Suisse. Il a terminé ses études de théologie avec le master à Fribourg. En janvier 2016, après une année de stage à Delémont, il a été ordonné prêtre dans son village natal en Inde. Depuis lors, il est Gardien de la communauté des Capucins à St-Maurice. Il est aussi l’aumônier de l’EMS à St-Maurice et du Mouvement Franciscain Laïc (MFL) en Suisse romande.

Prendre soin des plus petits et des plus pauvres

Même si je me réjouissais de venir en Suisse, mon arrivée dans le pays n’était pas toute simple : apprendre la langue française, faire mes études à l’université en français, la nourriture, etc. Mais après un certain temps, grâce à l’inculturation, j’ai réussi à m’adapter au rythme du pays. Dès lors, j’ai pris goût à ma mission en Suisse!

Comme chaque baptisé, j’ai, moi aussi, reçu ma mission. En premier lieu, je ressens le besoin de me ressourcer quotidiennement en la personne de Jésus, par la Parole, l’Eucharistie et la Prière.
Ma foi n’est pas d’abord une affaire de connaissances et de savoir. Elle est avant tout une affaire de questionnement spirituel: Qui est Jésus pour moi? La première vocation que j’ai reçue de l’Ordre des capucins était la croissance spirituelle des fidèles. Mon désir est d’aller vers les gens avant que les gens ne recourent à moi, en prenant soin de leur fragilité par l’écoute, l’accompagnement, le témoignage et les sacrements.

De ma mission à notre mission
Rappelons-nous que l’envoi en mission n’est pas seulement l’envoi des Douze apôtres. À travers les Douze, c’est toute l’Église que Jésus envoie en mission. L’Église, c’est nous. En tant que baptisés, nous sommes tous appelés et envoyés.

Avoir confiance
Ayons confiance que le principal travail, c’est Dieu qui le fait dans le cœur des personnes qu’Il met sur notre route. Nous avons des valeurs à promouvoir : le partage, la solidarité, le respect de la dignité des personnes, surtout des plus faibles. C’est à notre témoignage que nous serons reconnus comme disciples du Christ. Tout cela se trouve résumé dans cette parole de Jésus: « Allez dans le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création ».  « Être en mission » n’est pas seulement « donner », mais aussi « recevoir », parce que c’est « en donnant que nous recevons », comme nous le lisons dans la prière attribuée à St-François d’Assise.


S'inspirer de la pédagogie de Dieu

Fernando Torres - Bogota, Colombie

Né en 1951 à Anzoátegui-Tolima, Fernando Torres a étudié la pédagogie, la philosophie et la littérature à Bogotá, ainsi que la théologie et les sciences bibliques au Costa Rica et au Brésil. Depuis sa jeunesse, il participe à divers groupes et mouvements chrétiens. Actuellement, il le fait comme formateur d’adultes, une fonction qu’il décrit comme une vocation. Il est codirecteur de Kairós Educativo, une organisation de formation communautaire à Bogotá..

S’inspirer de la pédagogie de Dieu

Un jour, à la maison, je suis tombé sur une Bible abandonnée dans une boîte en carton. Cette découverte m’a fortement marqué. J’avais alors quatorze ans et venais de terminer la lecture de « Cent ans de solitude », le roman de Gabriel García Márquez. Dans la Bible, j’ai trouvé de nombreuses histoires extraordinaires qui ressemblaient à celles de la famille Buendía dans le roman, parce qu’elles racontaient le dur combat mené génération après génération pour préserver la vie d’une famille.

Les histoires de la Bible n’étaient pas vraiment différentes des nôtres. Elles rappelaient le souvenir d’hommes et de femmes, de communautés opprimées qui créaient des villes refuges, répartissaient la terre et le pouvoir, chantaient les bontés de Dieu à l’égard des pauvres, suscitaient des prophètes dénonçant les injustices et faisaient naître de l’espoir là où il n’y avait que la prison, la violence et l’exil.

C’est ainsi qu’est mise en évidence la pédagogie de Dieu qui invite à découvrir, en communauté, ce qu’Il dit et fait au cœur même du combat que nous menons chaque jour pour préserver notre vie et notre dignité. Il me faut reconnaître cette volonté et ce projet qui rendent humain, afin qu’ils deviennent la mission que j’ai découverte « dans une boîte en carton » et que j’ai accueillie. Cette mission m’a incité à me plonger au cœur des récits bibliques comme un disciple, de la même manière que j’avais plongé dans le village caraïbe et latino-américain de Macondo en lisant « Cent ans de solitude ».

Croire en la paix
La paix reste notre préoccupation et notre tâche. Depuis notre enfance, nous portons en nous des histoires et des images de personnes et de peuples massacrés. Nous ne savons guère qu’en faire ou comment nous en libérer. Mais la mission continue. Elle est comme un défi auquel nous nous attaquons chaque jour depuis le bas, là où la force et l’espérance ne s’épuisent pas. Nous continuons de croire à la paix et de la promouvoir chaque fois que nous le pouvons. C’est là notre mission et notre engagement en faveur de la vie, des familles, des communautés, des femmes, des enfants et des jeunes avec lesquels nous rêvons et nous avançons.

Le printemps de l’Église
Nous vivons le printemps de l’Église voulu et promu par le pape François après quarante ans de soupçons et de menaces, de sanctions et d’enquêtes, de scandales et de dissimulations. C’est comme à l’époque des catacombes que s’est retrouvée l’Église des Pauvres, qui suivait fidèlement l’Évangile de Jésus dans la nouvelle orientation définie par le Concile et la Conférence de Medellín. C’est désormais à nous de reconquérir les souvenirs de cette foi, de la rendre visible, de la propager et de la célébrer, de manière à ce que les nouvelles générations puissent y faire référence en toute fidélité et sincérité, pleines de confiance et d’espérance, et de sorte qu’elles se sentent portées et affrontent les défis de la vie avec joie, assurance et générosité. J’ai pour mission d’aider à construire des ponts qui fassent le lien entre ces souvenirs et l’émergence d’un nouveau printemps ecclésial.

Grâce au pape François, ce printemps surgit là où les femmes s’engagent en faveur de leurs droits au sein de l’Église, où des groupes luttent pour le célibat volontaire et l’accès à la prêtrise des personnes mariées, où des mouvements se battent pour la justice, la paix et la préservation de la Création. Il naît aussi dans les réseaux de laïcs qui souhaitent mettre fin au patriarcat et au cléricalisme dans l’Église et dépasser des structures ecclésiales devenues rigides. Il est aussi dans le processus de synodalité intégrative qui émane de la vitalité et de la diversité de l’Église en Amazonie… Aujourd’hui, nous avons pour mandat de promouvoir ce printemps ecclésial afin que se réalise enfin le rêve du pape Jean XXIII et de tous ceux qui, comme lui, se réjouissaient de l’avènement d’une Église des Pauvres à la fois missionnaire, pascale et tournée vers l’avenir.

 


"Fleuris là où Dieu nous a plantés..."

Antoinette Sakr - Liban

Âgée de 49 ans, Antoinette Sakr est mariée. Elle a deux enfants adultes encore en formation. À côté de nombreuses autres activités, elle enseigne la pédagogie à de futurs enseignants. Dans le cadre de Missio Liban, elle travaille bénévolement dans le domaine de l’enfance et de la jeunesse. Antoinette est maronite, alors que son mari est membre de l’Église grecque orthodoxe. Toute la famille fréquente l’Église catholique.

« Fleuris là où Dieu nous a plantés… »

J’ai passé mon enfance dans une famille de huit enfants : sept filles et un garçon. Je me rappelle que mes sœurs et moi avons fait un pèlerinage dans la Vallée Sainte à la Grotte Sainte de Saint Antoine Le Grand afin de demander un frère. Ce souhait a été exaucé : notre frère Antonio est né en 1975 durant la guerre civile au Liban. Durant mon séjour au village en été je faisais tous les jours le chapelet du Sacré-Cœur.

Une longue période de guerre
Avec ma famille on priait pour que la guerre s’arrête. Nous y avons perdu nos biens, nos amis, nos cousins et nos voisins. Mais un jour j’ai vu de mes propres yeux le Christ arriver sur un nuage blanc accompagné d’une paix incroyable et d’un silence paisible. Il me disait : « Mon enfant, la guerre va continuer, mais vous n’allez jamais être touchés ». Je me rappelle bien de ses yeux bleus et pendant deux jours, je suis restée en ne pouvant voir que ses yeux bleus. J’ai compris alors que nous allions dépasser la guerre et la misère. L’espoir et la paix du Christ m’accompagnent chaque jour de ma vie.

Dans notre famille, nous nous sommes donné la mission de devenir des personnes qui ont une confiance totale en notre Seigneur, le Christ, et en la protection de notre Sainte Mère.

Depuis 2015, je suis conseillère pédagogique à l’école Saint-François d’Assise, qui se situe à la frontière avec la Syrie. C’est une région négligée par notre gouvernement. Je suis aussi institutrice et formatrice de futures enseignantes dans des écoles techniques officielles. La majorité de mes élèves sont musulmanes. Ma mission éducative consiste à prêcher les valeurs du Christ d’une façon discrète en apprenant à mes étudiantes l’ouverture vers l’autre, l’acceptation des autres malgré leurs différences, le pardon, le dévouement dans sa tâche. Et je tente de les éloigner du racisme et de les aider à adopter les valeurs du Christ.

Pendant 23 ans, j’ai travaillé comme directrice d’une école maternelle. En 2015, Dieu a voulu que je change de voie et il m’a envoyé rejoindre Sœur Béatrice comme conseillère pédagogique à Menjez Akkar, à l’extrême Nord du Liban.

Ma mission aujourd’hui consiste à aider à former les élèves des familles démunies. Je fais ce travail grâce à mes études en pédagogie, que j’ai pu poursuivre à Paris. Je suis persuadée que ma rencontre avec des personnes de l’Enfance missionnaire n’était pas un pur hasard. Dieu a tout écrit ! Pendant tout le trajet d’une heure et demie que je fais pour aller à l’école Saint-François, je prie le chapelet et je remercie l’Esprit Saint qui guide toujours mes pas et me garde.

J’ai deux garçons. Georgio a 21 ans, il est étudiant en 5ème année de médecine. Padoue a 16 ans et il va au collège. Avec mon mari, nous avons essayé de semer des valeurs humaines et la foi en Dieu. Tous les matins, nous avons répété : « Bonjour mon Dieu, Père et Sauveur, que ta volonté soit faite…». Et tous les soirs, nous rendions grâce en disant : « Merci pour cette belle journée, je vais t’aimer encore plus demain et te connaitre un peu plus qu’hier ».

Agir en missionnaire dans la paroisse
Sur le plan de la paroisse, notre mission consiste à encourager les jeunes à s’investir dans des activités imprégnées par l’esprit du christianisme. L’Église catholique « maronite » est très active au Liban et prêche le pardon, le sacrifice et la foi totale en notre Créateur… Notre Église encourage les jeunes à jouer un rôle actif en participant à sa mission. Même si elle s’est heurtée à beaucoup de difficultés et d’obstacles, elle continue à vouloir survivre en tendant la main à ses jeunes croyants et pratiquants.

Sur le plan de l’Église universelle, notre mission consiste à soutenir le pape François à travers nos prières. Le pape François porte un grand fardeau, mais malgré tout cela il garde l’espoir, son sourire paisible et son esprit jeune pour guider l’Église dans l’esprit de l’ouverture vers l’autre, le pardon et le sacrifice. Il faut l’épauler pour garder l’image parfaite de cette Église qui est l’héritage du Christ.

Je reste au Liban !
Finalement ma mission se résume en quelques mots : fleuris là où Dieu nous a plantés… et que la volonté de notre Créateur soit faite. Je reste au Liban ! Dans ce pays qui a été bouleversé par la guerre civile, la crise économique, le terrorisme et la corruption. Malgré ces évènements affreux, le Liban a semé en moi la foi, la paix du Christ et l’Espérance… c’est pour cela que ma mission est de fleurir au Liban, de prêcher l’amour du Christ et de me laisser abandonner à la volonté divine. J’espère accomplir ma mission à la perfection tout au long du reste de ma vie !


De ma mission à celle de l'Eglise

Frère William Ngowi OFMcap - Tanzanie

Frère William est capucin. Il enseigne les sciences bibliques à la Jordan University. Cette université catholique soutenue par plusieurs congrégations dans la ville de Morogoro accueille de nombreux étudiants, dont beaucoup sont musulmans. Frère William donne aussi des cours au séminaire. – Dans le cadre du Mois de la mission universelle de 2012, frère William avait été invité par Missio à donner une série de conférences en Suisse.

De ma mission à celle de l'Eglise

Ma mission et moi
•    En tant que prêtre, je réponds à l’appel que Jésus a lancé à Pierre lorsqu’il lui a demandé de « paître ses agneaux et ses brebis » (Jean 21, 15-19) : je célèbre les sacrements, en particulier l’eucharistie, ainsi que d’autres services religieux qui renforcent et sanctifient les agneaux et les brebis dont est constituée l’Église.
•    Je m’occupe aussi du troupeau du Christ lorsque j’enseigne la Bible, publie des documents, fais des recherches sur des thèmes bibliques, propose des exercices spirituels ou des conférences à des personnes ou à des groupes, ou me mets à disposition comme conseiller.
•    J’enseigne la théologie à des séminaristes qui se préparent à des activités pastorales. J’assume ainsi la tâche que Jésus a confiée aux onze disciples (Mt 28, 19-20).
Missionnaire

Dans la communauté et la paroisse
Bien que je travaille en premier lieu comme professeur d’université, j’assume aussi – en tant que capucin – toutes les tâches pastorales liées à notre communauté.
•    Nous sommes responsables de tous les services pastoraux d’une paroisse à laquelle appartiennent aussi des chapelles éloignées regroupant plusieurs douzaines de petites communautés chrétiennes.
•    Nous accompagnons divers groupes pour les adultes et pour les jeunes de la paroisse.
•    Dans les environs de notre couvent, nous proposons aux communautés de sœurs des exercices spirituels et des aides au discernement.

Notre engagement dans l’Église universelle
Notre province des Capucins en Tanzanie – et moi-même en tant que membre de celle-ci – nous efforçons de remplir notre mandat dans l’Église universelle :
•    En tant qu’aumôniers dans les paroisses et les chapelles éloignées, dans les communautés de sœurs, dans les écoles, les hôpitaux et les centres de formation ; en tant que responsables d’exercices spirituels et de cours. Les archevêques de Dar es-Salaam et de Dodoma sont par ailleurs des Capucins de notre province.
•    En tant que missionnaires dans des pays tels que la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’Afrique du Sud, le Malawi, la Zambie, le Kenya, les États-Unis, l’Italie et les Émirats arabes unis.
•    En tant qu’enseignants dans de hautes écoles en Tanzanie et à l’étranger, ainsi que dans des écoles primaires et secondaires en Tanzanie (notre province possède quatre écoles).
•    En tant qu’infirmiers et médecins dans des hôpitaux.
Concrètement, mes confrères et moi appliquons la devise « Baptisés et envoyés » de deux manières :
•    Nous agissons en tant que pasteurs dans la première évangélisation : annonce de la Parole, catéchèse, célébration des sacrements.
•    Par nos travaux de formation, nous nous engageons dans la seconde évangélisation : dans les séminaires, nous formons les futurs pasteurs ; par nos activités d’enseignement dans les établissements de formation, nous expliquons et approfondissons la foi chrétienne.
Mais surtout, nous témoignons de notre foi par notre vie et notre engagement, conformément aux propos du pape François lorsqu’il affirme que « l’évangélisation n’est pas du prosélytisme ».